Le chant grégorien

«Ad te, levavi animam meam» (Ps 24) est le chant d’introït que l'Eglise chante le premier dimanche de l'Avent avec une mélodie vigoureuse et apaisante ; c’est le chant grégorien. Approfondir le thème du chant grégorien serait un travail qui va au-delà de la tâche de cette page. Nous pouvons comparer le chant grégorien à une "Bible mise en musique", qui vise à guider à l'Essentiel, c’est-à-dire Dieu, à travers la méditation et la contemplation ceux qui chantent ou écoutent. Cette façon de chanter, née il y a plus de 1 500 ans, est en même temps un enseignement divin et une prière adressée à Dieu qui nous conduit à l’Ineffable, à l’intériorité. L'ensemble du répertoire musical des chants de l'Église catholique romaine est communément appelé "chant grégorien". Sa caractéristique est d'être un chant vocal et monophonique (c’est-à-dire à une seule voix) : en absence d’accompagnement instrumental, la pureté de la mélodie monophonique guide l'esprit au silence et à la contemplation du mystère divin. C’est là tout le génie musical du chant grégorien. Mozart aurait donné toute son œuvre seulement pour avoir seulement composé la mélodie de la préface romaine qui date du début des premiers siècles de l'Église.
SON HISTOIRE
an 313: Les chrétiens sont enfin libres de professer leur foi. Ils sortent donc des catacombes avec de simples mélodies qu’ils chantaient sur les paroles des psaumes, comme le faisaient déjà les Apôtres et la première communauté chrétienne de Jérusalem.
an 396: Augustin pleure en écoutant les chants et hymnes que les fidèles de Milan chantaient à Dieu dans la cathédrale.
V-VII siècle : Le répertoire latin se diversifie, soit dans les textes soit dans la manière de chanter, selon les zones géographiques : à Rome on ne chante pas comme en Gaule ou en Espagne wisigothique.
an 600: Le Pape Grégoire le Grand commence une politique d'unification des liturgies occidentales, avec l'aide des Capétiens. Le nouveau répertoire de la mélodie liturgique sera désormais appelé chant grégorien.
VII-IX siècle : c’est l’apogée du chant grégorien. C’est un moment de composition intense. Les compositeurs anonymes, se basant sur les chants des psaumes, amplifient les mélodies qui donnent vie aux antiennes d'entrée et de communion de la messe, et créent des morceaux de musique pour les écoles ou les solistes : ce sont les chants du Graduel et de l’Alléluia. Les fidèles, les moines et les chanteurs apprennent tout par cœur: la transmission du chant se fait par voie orale.
vers 850: Invention de la première écriture musicale. L'utilisation de neumes, c’est-à-dire de signes écrits à l'encre sur le parchemin, permet de noter avec précision le rythme et l'expression du chant ; ceci aide à la mémorisation des mélodies, mais ne donne pas encore l'intervalle entre les notes.
1050: Le Moine Guido d'Arezzo précise l’écriture pour définir l'intervalle entre les notes en leur donnant un nom, Ut-Re-Mi-Fa-Sol-La, et développe le système du Tétragramme. Cette invention marque malheureusement le début de la décadence du chant grégorien. Après le remplacement de la mémoire par la lecture des notes, le chant devient plus mathématique et perd en fraîcheur. A cette même époque, naissent les premières polyphonies, établies sur le chant grégorien. Le rythme n’est plus basé sur le mot latin, mais fixé par des mesures. Le chant grégorien aura donc ouvert la voie à la musique moderne, et de très grands compositeurs comme Bach ou Mozart tireront beaucoup de ce chant.
1840: Le chant grégorien est appelé "planus cantus", tellement il a perdu de son authenticité: il est devenu ennuyeux, lent, sans vie. Les moines de l’abbaye bénédictine de Solesmes (France) commencent alors un long travail de recherche scientifique à partir des manuscrits que les moines copient patiemment dans tous les monastères et les bibliothèques d'Europe. Grâce à ce travail des moines, le chant grégorien a pu retrouver toute son authenticité et est redevenu un puissant instrument de prière.
1903: le pape Pie X définit le chant grégorien comme le chant propre de l'Église romaine qui aide le peuple chrétien à prier en beauté.
1962: Le Concile Vatican II confirmera avec son autorité l'utilisation de ce chant toujours pratiqué dans l'Église selon ces termes: « L’Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine; c’est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place » (SC 116).